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L’illusion syrienne d’Emmanuel Macron

CONTRIBUTION / ANALYSE. Les images de l'accueil en grande pompe du président syrien Ahmed Al-Charaa dans la cour de l'Élysée ont fait couler beaucoup d'encre. Au delà du symbole, un narratif médiatique complaisant selon lequel les nouveaux maîtres de Damas seraient en voie de normalisation, sur les bancs de l'école de la démocratie. L'économiste et historien Jérôme Maucourant, spécialiste de la Syrie et du Liban, rappelle la réalité de l'actuel pouvoir syrien, de ses origines à ses récentes mues.

MACRON-AL-CHARAA-SYRIE
© Stephane Lemouton/SIPA

Passerelle – pour une Syrie laïque et démocratique (1)

Le 7 mai dernier, Emmanuel Macron accueillait à l’Élysée Ahmed Al-Charaa, président par intérim de la Syrie. Treize ans après la rupture des relations diplomatiques avec le régime de Bachar Al-Assad, ce geste marque un tournant symbolique majeur dans la position française. Mais que signifie réellement cette ouverture? Et surtout, que sait-on du nouveau visage du pouvoir syrien ? Jusqu’à la fin de 2024, Ahmed Al-Charaa était encore connu sous le nom d’Abou Mohamed Al-Jolani, chef du groupe jihadiste Hayat Tahrir al-Cham (HTC) classé comme organisation terroriste par l’Union européenne, les États-Unis, le Canada et plusieurs autres pays occidentaux. Envoyé en Syrie par Abou Bakr al-Baghdadi, chef de l’État Islamique, il fut pendant des années une figure centrale du djihadisme dans la région. Aujourd’hui, ce même homme se présente en président en costume, porteur d’un discours de modération et de reconstruction. Une partie des médias internationaux évoque même une “transformation”, presque comme si le passage d’une image à l’autre suffisait à incarner un changement du fond. Al-Charaa lui-même affirme avoir évolué, adaptant son discours aux codes attendus d’un chef d’État.

Mais cette image nouvelle reflète-t-elle vraiment la réalité du pouvoir en Syrie aujourd’hui ? Le discours officiel et les apparences sont-ils en accord avec les pratiques sur le terrain? Ou bien assiste-t-on à une recomposition stratégique du même appareil idéologique et sécuritaire, simplement revêtu d’un langage plus acceptable sur la scène internationale ? Alors que l’Union européenne a décidé de lever l’ensemble des sanctions contre la Syrie et promis une aide financière conséquente, ces questions deviennent cruciales. Avant de croire à une mutation politique en profondeur, ne faut-il pas interroger la distance entre l’image projetée et les faits observables?


Les paroles et les actes (ou l’État des Abou)


L’image du président est chargée de...

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