Samuel Fitoussi : « Les égarements de l’élite ne sont pas considérés comme tels puisque c’est l’élite elle-même qui définit ce qui relève de l’erreur ou de la vérité »
ENTRETIEN. Dans son ouvrage intitulé Pourquoi les intellectuels se trompent (Ed. de l’Observatoire), Samuel Fitoussi met en garde contre la prééminence supposée des élites, capables de se tromper lourdement. Pis, certaines croyances sont chéries par l’élite non pas en dépit, mais en vertu de leur nocivité.
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Front Populaire : Votre ouvrage montre pourquoi ni l’intelligence ni le fait d’appartenir à l’élite ne protègent de l’erreur. L’intellectuel devient-il illégitime ? En quoi est-ce l’échec des ultra-diplômés ?
Samuel Fitoussi : L’intellectuel n’est bien évidemment pas illégitime. Mon essai est d’ailleurs nourri à la pensée d’intellectuels brillants qui ont su résister au conformisme de leur époque et rester animés par le souci de la vérité (Aron, Revel, Orwell, Sowell, Scruton, Finkielkraut et beaucoup d’autres…). Simplement, il faut garder en tête que l’élite d’une société peut – avec une redoutable bonne conscience – se tromper gravement.
De fait, l’histoire du XXe siècle, c’est l’histoire de l’aveuglement presque systématique de notre intelligentsia. Dans les années 30, les intellectuels occidentaux avaient développé une « loyauté nationaliste à l’égard de l’URSS » (Orwell), et c’est le New York Times qui s’évertuait à nier la réalité d’une famine en Ukraine (qui tua 5 millions de personnes). À Paris, il y eut ensuite pendant deux décennies une quasi-unanimité en faveur du plus grand criminel de masse...