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Don Quichotte, le rire et l’enchantement

CONTRIBUTION / OPINION. Sous ses allures burlesques, Don Quichotte est une formidable machine à penser : le langage, la vérité, la société, et surtout, le rire. Derrière les moulins, l’absurde et les proverbes de Sancho, se cachent une lucidité mordante et une tendresse désarmante.

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Lire ou relire L’ingénieux hidalgo don Quichotte de la Manche, c’est d’abord converser avec un esprit, celui de Miguel de Cervantès Saavedra qui, à l’aube du XVIIe siècle, propose de penser la littérature, la poésie, la comédie, le théâtre, la critique ou la traduction littéraire, mais aussi le courage, le rire, la mort, la douleur, la peur, le ressentiment, la volonté. Don Quichotte est ce fou « voyant dans son imagination ce qu’il ne pouvait voir de ses yeux et ce qui n’existait pas ». La raison et le jugement sévèrement atteints par la lecture, il croit distinguer dans chaque événement ordinaire de la vie rurale (un troupeau de moutons, des moulins à vent, une auberge…) la résurgence des aventures merveilleuses qu’il a lues dans les romans de chevalerie. Avec son écuyer Sancho Panza à qui don Quichotte a promis une île et un gouvernement, il chemine à la recherche d’aventures et tente de réactiver les codes exigeants de la pure chevalerie depuis la fameuse Table ronde du roi Arthur jusqu’au don Bélianis de Grèce en passant par le vaillant Amadis de Gaule. Au fil de leurs déambulations et rencontres, Cervantès en profite pour aborder incidemment tout ce qui tisse une vie humaine : l’amour, le mariage, la beauté, le pouvoir, les lois, la hiérarchie sociale, les courtisans, la richesse, la noblesse, la paternité, la renommée, mais aussi la fidélité, la folie, la foi, la liberté, l’ingratitude, la parole donnée… autant de possibles et extraordinaires lectures, mais qui ne rendraient pas compte de la puissance comique qui constitue la forme primordiale de ce récit, le rire étant l’arme par laquelle l’auteur, dès le prologue, entend distraire le lecteur mélancolique. Je pose une question simple : pourquoi rit-on ?

D’abord parce que le récit tel qu’il nous est présenté par Cervantès ne se prend...

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